Hack le Cthulhu

Un article d’opinion étayé sur Cthulhu Hack

Je ne sais pas vous, mais après les moult histoires cocaïno-fessières de Sans Détour et la lenteur au démarrage de Edge avec la reprise de la licence AdC, je dois dire que je me sentais comme un poulpe dans un filet de pêche du pays basque : coincé et sans perspectives d’évolution.

C’est alors que je me penchais plus avant sur la gamme de Cthulhu Hack, attiré notamment par la quantité et – semblait-il – qualité des campagnes et scénarios disponibles. Mon principal frein était la base de règles hérité d’un jeu destiné avant tout à parcourir du donjon sous terrain et peuplé de bestioles à l’hygiène douteuse. Et en plus au D20. Bah oui, j’aime point le D20, comme d’autres n’aiment point les huitres ou la rascasse.

Cependant, attiré par l’odeur alléchante, je me jetais dans l’aventure et entrepris de violer mes a-priori pour maîtriser Cthulhu Hack pendant plus d’un an. C’est cette expérience que je raconte ici-bas, pour ce que ça vaut.

Avant de me faire incendier en flèche par d’éventuels dévots (ou dévôtes) asservis, je tiens à dire que mes reproches ne vont qu’au système de règle. Je trouve que la quasi totalité du contenu scénaristique va du bon à l’excellent.

Le Hack, je le mets ou je veux

L’effet marketing du terme « hack » – devenu cool – n’ayant strictement aucun effet sur moi, il faut rendre à César ce qui est à César : la base ce Cthulhu Hack reste un dérivé de D&D destiné à poutrer du vil monstre, adapté quasiment sans grosse retouche à de l’investigation horrifique. J’étais sceptique, je le suis toujours.

Carac (osa)

Tout d’abord, le système n’exploite que des caractéristiques. Si cela semble une bonne idée pour des univers médiévaux où le panel de connaissance des personnages est assez réduit, je trouve que cela simule très mal des époques modernes. Ainsi la brochette de connaissances diverses des époques récentes est gommée: astronomie, psychologie, histoire antique, langues anciennes, armes diverses, etc. Et du même coup, la diversité des personnages.

Petite cerise pourrie sur le gâteau, on découvre que les jets doivent être « strictement inférieurs » à la caractéristique, là ou le consensus général est le ‘inférieur ou égal ».

A noter que ce sentiment a du également titiller les auteurs, car la v2 du jeu apporte des « compétences » et des « métiers », qui permettent de bonusifier certains jets associés, et vient utiliser également le « inférieur ou égal » pour les jets.

Bref, pas convaincu, mais le pire est à venir.

Richesses du monde

Paradoxalement, certaines « actions » se retrouvent gérées par des jauges de ressources matérialisés par un dé (ie D10, D8, D6, D4 et … 0). Le « Bagou » (ie les interactions sociales) et la « Torche » (ie Trouver Object Caché, grosso modo) donnent donc des « réussites » automatiques, avec un degré d’emmerdement potentiel si le dé fait 1 ou 2, assorti de la diminution du dé (ie D8 devient D6, etc). Si l’idée parait séduisante au départ, j’y oppose deux objections me concernant :

  • une des – principales – justifications fournies dans les règles indique qu’il s’agit de ne pas bloquer les personnages dans leur enquête lorsqu’ils échouent a un jet de dé dans un système « traditionnel ». Les bras m’en tombent (et j’en ai 2). Quel MJ un tant soit peu doué aurait l’idée de conditionner un indice crucial à la réussite d’un seul jet de dé ? Si c’est le cas, changez de MJ… Plutôt que d’indiquer dans les règles « ne reliez pas les indices cruciaux à des jets de dés« , voilà l’invention d’une mécanique un brin bancale, juste pour contourner les … mauvais MJs.
  • comme il s’agit d’une ressource, elle s’épuise. Donc quand votre D4 fait ‘1’, votre « Bagou » ou votre « Torche » sont à 0 et … votre personnage ne peut plus interagir. Grosso modo, en forçant le trait, votre personnage a tellement parlé/négocié ou tellement cherché qu’il bafouille en bavant ou qu’il est subitement devenu aveugle – respectivement. Ma suspension d’incrédulité, nécessaire à toute opération de JDR ou de GN, se retrouve pendue par les couilles, en haut de la colline, là bas, à gauche.

Pour autant, ce système appliqué au matériel (ie munition, possessions, etc.) est une très bonne idée, rapide et conceptuellement compréhensible.

SAN Ku Kaï

La SAN est elle aussi gérée par le même mécanisme de ressources, ce qui m’a séduit immédiatement au départ. Si si, vraiment. J’avoue.

Mais après un peu de pratique, je trouve le mécanisme très mal calibré, très punitif et sans granularité. Il est ainsi assez facile en un seul scénario de mettre le moindre PJ à 0 en SAN. Alors, certes, les MJs punitifs et un brin sadiques seront ravis et pourront se gausser en convention d’avoir « rendus fou tout les personnages en 4 heures de jeu« , mais je n’y vois aucun interêt. Avec la SAN en ressource sous forme de dé, vous perdez un dé ou pas. C’est tout. Pas d’autres option. Exit donc les pertes de 1 ou 2 points de la SAN de l’AdC, qui simulait une lente aliénation. Ici, à Cthulhu Hack, vous devenez taré en un rien de temps. Et la seule parade possible en campagne est de diminuer les jets de SAN (alors qu’ils seraient nécessaires) ou de donner systématiquement des bonus. A l’opposé du principe initial je trouve.

Poulpe au Pulp

La ou la bancalité du système augmente encore – je trouve – c’est avec les capacités spéciales du personnage. On vient de le voir, le système se veut punitif au regard de la SAN. Mais d’un autre côté, on vient ajouter une dose de « Pulp » en offrant aux personnages des sortes de petits pouvoirs, tout droit sortis du très bon Savage Worlds. Cela rajoute à l’incohérence du système sensé simulé de sombres enquêtes innommables en des lieux indicibles (attention, derrière vous).

Rendors toi, t’a combat

On sent bien – surtout dans la première version – que le combat est considéré un peu comme du caca. Du coup, sans surprise, les règles y ressemblent : confuses, peu précises et floues. Alors certes, me direz vous, l’investigation horrifique, ça n’est pas du « dungeon bashing ». Tout à fait, vous rétorquerais-je, mais du coup pourquoi prendre des règles prévues initialement pour ça ?

Si l’on applique les règles telles qu’elles, Cthulhu Hack réussit l’exploit de rendre les combats bien chiants, dans une succession de jets de D20 touché/raté, sans aucune option et souvent en attendant de faire une réussite critique sur un ‘1’. Comme le jeu se revendique d’un « hack », on serait en droit d’en attendre un peu d’originalité : que nenni. Les dégâts se font par exemple toujours avec des dés, ce qui participe à l’ennui sans fin (je l’ai touché avec un 2, ah ben je fais 1 au dégats, ah ben ça lui fait rien, ah ben round suivant…).

Ah oui, et je vous ai pas dit ! Les dégâts sont gérés par 2 jauges du personnage : les dégâts sans armes, et les dégâts avec arme. Oui, oui. Que vous ayez un couteau maudit de Cultiste ou une Thompson de gangster, ça fait pareil de base. Là encore, que ce principe s’adapte sans soucis à du med-fan avec des armes « primitives », passe encore. Mais c’est quand même intellectuellement difficilement défendable dans un univers des années 20 (au hasard de la tentacule). Bon, allez, soyons honnête : les auteurs ont du se rendre compte que c’était un brin débile, donc ils ont gratifié les armes de tout un tas de petites règles spéciales.

On se calme et on boit frais à R’lyeh

Tout ça pour dire que je ne trouve rien de « cthulhuesque » à ce système de jeu, pourtant servi par d’excellents suppléments de contexte et scénarios, c’est indéniable.

Mon sentiment est de voir un système conçut pour des mauvais MJs, satisfaits de rendre leur PJ fous au bout de 3 cadavres et avec des aventures sans aucun combat (ou alors ayant un goût prononcé pour les combats chiants).

Les auteurs chez les 12 Singes, à force de pratiquer la v1 ont du s’apercevoir du bazar et ont apporté des retouches bienvenues dans la v2 : jets inférieurs ou égaux, notion de compétence/métier et clarifications des combats. A mon sens, ces modifications sont de la pâte à bois appliquées dans les petits trous d’un assemblage borgnole et grignoté par les chiens de Tindalos, mais il faut les signaler.

Alors certes, je sais qu’on va me servir l’éternel adage « les règles ont s’en fout« , sorte de ponctuation définitive et généralement peu étayée à toute discussion sur le sujet. Ben non, je m’en fous pas. J’attends des règles qu’elles servent l’ambiance et l’univers, pour permettre au MJ et aux joueuses de les « oublier » et d’assister la suspension d’incrédulité qui s’installe à la table. Tout ça afin de permettre à chacun d’interpréter son rôle. Cthulhu Hack fait tout le contraire en ce qu’il me concerne : pas adaptée, les règles me collent aux doigts comme de la bave de larve stellaire et viennent saborder ma suspension d’incrédulité avec une meuleuse Makita, disque diamant dureté 32. C’est dit !

Du coup, après 1 an de maîtrise et une trentaine de sessions, j’abandonne, surtout après la découverte de l’excellent « Cthulhu Eternal » (https://cthulhueternal.com/ ), une règle dérivée et modernisée de Delta Green et très adapté au jeu d’horreur 🙂

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Une réponse à Hack le Cthulhu

  1. Sasmira dit :

    Personnellement j’ai perdu la foi dans Cthulhu, depuis que chaque éditeur en fait une version à sa sauce et que bientôt nous allons nous retrouver avec une ième version à s’appeler « Cthulhu All Star ! »

    En ce qui concerne le système hack, qui est le sujet du post, je suis d’accord avec toi, mais je serais encore plus réducteur … le jeu est chiant … j’ai fait la version révisée et la version Tenebris, qui a un système de combat révisé, et c’est lourd … poussif et il faut le dire sans détour, dès qu’il y a un combat on s’emmerde avec de la perte de temps et d’intérêt !

    Ce que je n’avais pas aimé pour ma part, en plus du système de combat, c’est comment récupérer de la ressource. Pour cela il faut se ressourcer … dans des endroits ou en ne faisant rien … ce qui est généralement impossible pendant une partie, car les personnages n’ont pas des heures à perdre ou des lieux sous la main pour se ressourcer …

    Je ne sais pas quel est le génie qui a en effet dit que les règles on s’en fout, mais je ne suis pas de cet avis non plus. Tu as le droit de ne pas t’en souvenir ou de ne pas toutes les appliquer, mais elles sont la pour être utilisée ou trancher, et c’est aussi ce qui définit le jeu (le jeu et non le thème du jeu).
    Après je dis souvent une chose, si tu modifies tout le temps les règles dans un jeu, c’est que le jeu, j’entends par là le système n’est pas adapté pour toi.

    C’est pour cela que la version Hack avait l’air sympa en survol mais ne m’a pas fait rêver … et encore moins tous les dérivés divers de Chroniques oubliées …

    Pour moi cela restera AdC, ou alors peut être un dérivé sur une base de Year Zero Engine/Vaesen , parce que les systemes Free League sont quand meme bien pensés.

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